LE VOYAGE D'ETHYLENE - Arizona
Lake Powell, Arizona 2008. J’avais l’impression d’être le premier homme explorant cette immense étendue monochrome. Aucun bruit, aucun chant d’oiseau ne venait rompre cet inquiétant silence. Seul un léger souffle d’air brûlant soulevait une fine poussière grise. Les animaux ne semblaient pas encore avoir eu connaissance de ce nouveau territoire. Quelques herbes pionnières poussaient timidement, cherchant vainement une ombre pour se protéger d’un soleil implacable. Rien ni personne, ne paraissait s’être encore essayé à reconquérir ces terres saccagées. Je marchais droit devant. Mes pas se faisaient légers. Je ne voulais qu’effleurer la surface de cette terre nouvelle, ne laisser aucune empreinte de mon incursion dans cette nature qui essayait de reprendre vie. Le sol était recouvert de gigantesques plaques de boues séchées. Les couleurs si vives de l’Arizona voisin, s’étaient éteintes, laissant place à une immense palette de gris et d’ocres évanescents. J’étais hypnotisé. A perte de vue, ce désert encore intact, m’offrait une intarissable source d’inspiration. Chaque colline, chaque rocher avaient été posés au parfait endroit. Les magies de la lumière baissante embellissaient à chaque instant les teintes du paysage qui me paraissait irréel. Alors que cette immensité et ce calme auraient dû m’apporter la sérénité, j’étais agité par une profonde émotion. Toute cette beauté n’était en fait que désolation semée par l’homme. Mon appareil photo en bandoulière, je n’avais encore fait aucune photo. Je cherchais à cadrer dans cette profusion de possibilités avant de cloisonner mon regard dans le viseur. J’installais l’appareil photo sur son trépied, savourant d’être seul à contempler cette nature encore vierge. C’est au moment où je m’apprêtais à faire la première image, qu’un sac plastique rose est apparu. Porté par l’air chaud, il volait, tournoyait et s’arrêta au milieu de mon cadre, posant pour l’éternité…